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Soutenance de thèse de Margaux CLESSE le 28 février 2023

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Margaux CLESSE a soutenu sa thèse doctorale intitulée « Etude multi-sites de la réponse des écosystèmes forestiers dans un contexte de changements (dépôts atmosphériques et substitution d’essences) », réalisée au sein de l’unité INRAE Biogéochimie des Ecosystèmes Forestiers.
La soutenance aura lieu dans la salle de conférence du campus INRAE Grand-Est Nancy à Champenoux le mardi 28 février à 13h30.

Résumé :

Les écosystèmes forestiers se développent généralement sur des sols acides et pauvres en nutriments. Dans de nombreuses régions, les dépôts atmosphériques acides élevés (acides sulfurique et nitrique) ont considérablement accéléré l'acidification des sols et des eaux de surface au cours de la seconde moitié du XXe siècle, entraînant dans de nombreux cas une dégradation de la fertilité des sols et le déclin des forêts. En sus, la sélection et/ou la substitution d’essences par la gestion forestière (pour augmenter la production de biomasse et/ou adapter les forêts à un climat changeant) peuvent également avoir un effet important sur le fonctionnement biogéochimique des sols et des écosystèmes forestiers. Dans un tel contexte, leur durabilité est remise en question et il est aujourd’hui nécessaire de quantifier l’évolution de la fertilité chimique des écosystèmes forestiers face à ces pressions et de mieux comprendre leur fonctionnement biogéochimique, afin d’assurer une gestion durable des forêts.

Les objectifs principaux de cette thèse sont de (i) quantifier l’évolution de la fertilité chimique d’une dizaine d’écosystèmes forestiers métropolitains en utilisant quatre méthodes de diagnostic : ré-échantillonnage du sol, suivi des solutions de sol, des concentrations foliaires et calcul du bilan « entrées-sorties », (ii) comprendre les mécanismes sous-jacents à cette évolution et (iii) comparer les diagnostics obtenus par les différentes méthodes, en prenant en compte notamment l’incertitude autour du bilan. Pour ce faire, nous avons quantifié l’évolution de la fertilité sur une période de 20 à 30 ans par ces 4 méthodes, sur des placettes monospécifiques (chêne, hêtre, sapin de Nordmann, pin Laricio, sapin de Douglas et épicéa) du site de Breuil-Chenue et sur 8 placettes de niveau III du réseau RENECOFOR (CHS 41, CPS 77, EPC 08, EPC 87, HET 30, PS 67a, SP 38 et SP 57). Les éléments Ca, Mg et K et leur évolution temporelle ont été principalement étudiés.

Les résultats ont souligné que l’essence avait dans les 35 années après plantation un effet notoire sur l’acidification des sols et sur les réserves de cations nutritifs échangeables du sol. Les feuillus semblent acidifier moins intensément les sols que les résineux. Une restauration du pH est observée sous le chêne et le hêtre alors que l’acidification semble se poursuivre sous les résineux. Elle paraît plus intense sous le sapin de Nordmann et l’épicéa que sous le Douglas et le pin. Une acidification encore importante des sols et les pertes de nutriments associés ont également été mis en évidence sur certains sites RENECOFOR. Le nitrate et le sulfate semblent être les principaux moteurs de l’acidification à Breuil et sur les sites RENECOFOR. Leur origine dépend cependant du site étudié : le S et le N sont parfois issus des dépôts atmosphériques actuels mais des sources internes à l’écosystème peuvent également intervenir, notamment au travers d’une nitrification excédentaire (surtout sous le Douglas, le pin à Breuil et CPS 77) ou encore de la désorption de S dans le sol (majoritairement sur les sites RENECOFOR). La lixiviation du S et du N et celle des cations associés a tendance à acidifier les sols. Toutefois, les résultats ont montré que la réponse des sites face à l’acidification peut varier, notamment en fonction de la prédominance soit du cycle biologique soit du cycle géochimique. Les sites identifiés avec un cycle géochimique prépondérant (CHS 41, CPS 77, HET 30 et SP 38) ont des réserves en nutriments soutenues davantage par les flux d’entrées (altération et dépôts atmosphériques), alors que les sites dominés par le cycle biologique (EPC 08, EPC 87, PS 67a, SP 57) ont des pools de nutriments renouvelés essentiellement par les flux de recyclage. Les sites « Géo » semblent donc avoir une meilleure capacité à contrer l’acidification que les sites « Bio » et leur restauration semble plus avancée.

Enfin, les résultats ont montré que la comparaison entre les différentes méthodes de diagnostics de fertilité n’est pas aisée. Des écarts importants dans les diagnostics ont été mis en évidence, avec des résultats parfois contradictoires. La prise en compte de l’incertitude autour du bilan « entrées-sorties » n’explique pas à elle seule les écarts observés avec l’approche par ré-échantillonnage du sol. L’incertitude de choix de modèle pourrait peut-être en partie expliquer l’origine de ces divergences.

Ces travaux mettent en évidence l’importance de continuer les recherches engagées sur i) la compréhension de la réponse des écosystèmes forestiers (notamment ceux à faible fertilité chimique) face aux changements de régime de dépôts atmosphériques et de substitution d’essences et ii) l’évaluation des incertitudes autour des différentes approches de diagnostic de fertilité.